« Le vaccin contre le cancer du col de l’utérus protègera nos filles »
Alors que la polémique enfle sur la toile et surtout auprès des bloggeurs camerounais depuis l’annonce d’une « supposée » campagne de vaccination contre le papillomavirus, l’un des germes responsables du cancer du col de l’utérus. Votre site est allé à la rencontre du Dr Elvis SIMO. Épidémiologiste et coordonnateur régional du groupe technique du programme élargi de vaccination (PEV) dans la région de l’Ouest. Le Dr Simo a activement pris part à une phase pilote d’introduction du vaccin dans le PEV. Phase pilote qui s’est déroulée dans le district de santé de Foumban en 2014 et 2016 et au cours de laquelle plus de 13 000 jeunes filles ont reçu des doses de vaccin. Le médecin revient sur la controverse du moment dans cet échange.
Dr alors même que des mouvements se forment ces derniers temps précisément sur la toile pour contester une campagne de vaccination contre le cancer du col de l’utérus sur les jeunes filles au Cameroun, nous apprenons selon nos sources qu’une telle initiative avait déjà été menée à Foumban dans la région de l’Ouest en 2014 et en 2016, de quoi s’agissait-il exactement ?
Avant toute chose permettez-moi de préciser qu’il s’agissait plutôt de la phase pilote d’introduction du vaccin contre le cancer du col de l’utérus dans le programme élargi de vaccination (pour observer le comportement de la population face à ce vaccin). Elle s’est déroulée dans le district de santé de Foumban en 2014,2015, 2016. Je dois dire ici que j’ai eu l’honneur, le privilège d’avoir été un acteur de cette campagne pilote en termes de suivi et de coordination de toutes les activités. Je voudrais à présent revenir sur certains points clés notamment la préparation de cet évènement. Vous savez, la campagne ne se déroulait pas dans tout le Cameroun. Il y’a 2 districts pilotes qui avaient été retenus en l’occurrence : celui d’Edéa dans le département de la Sanaga maritime et celui de Foumban à l’ouest. Les premières activités consistaient à informer les populations et les acteurs sur ce que cette campagne devait avoir lieu. Après l’information, nous sommes passés à la phase de micro planification.
Il faut dire que la cible pendant ces années d’expérimentation était les jeunes filles âgées de 9 à 13ans. Il se trouve que dans la région de l’ouest, la forte majorité de cette cible se rencontre dans les écoles primaires. C’est pourquoi nous avons choisi ces écoles. La première activité a été d’impliquer les maitres d’écoles, les directeurs pour recenser préalablement ces enfants-là. Au finish sur une population d’environ 15 919 de jeunes filles dénombrées dans les écoles et les communautés, nous avons vacciné 70% ; ce qui représentait 11235 jeunes filles pour la première année c’est à dire en Novembre 2014. Une fois cette première dose administrée, il fallait programmer la deuxième dose dans les 6 prochains mois. Ce qui a été fait. Nous nous sommes retrouvés en Mai 2015 ou les enfants qui ont été vaccinés pour la première dose l’ont aussi été pour la 2e. Le taux de couverture a alors été de 94%. Mais On ne s’est pas arrêté là, car la campagne avait été programmée pour deux cohortes. La deuxième devait commencer en 2016. Pour cette 2e cohorte, nous avons recensé 8310 enfants et vacciné 7996 enfants jeunes filles pour le HTV1 qui est la première dose de ce vaccin. 06 mois après, sur les 7996 nous avons pu vacciner 7848 jeunes filles qui représentaient une couverture de 98% entre 9 et 13 ans.
Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui pensent que cette première phase d’introduction s’est faite en catimini ? Puisque manifestement dans l’opinion publique on pense que c’est la première fois que le vaccin contre le cancer du col de l’utérus sera administré aux jeunes filles dans le cadre d’une campagne.
Je suis au niveau intermédiaire, et vous savez la gestion d’un Etat impose des responsabilités par niveau. Il y a le niveau stratégique, le niveau intermédiaire et celui opérationnel. En tant que coordonnateur, je suis du niveau intermédiaire et il est de mon devoir d’obéir aux stratégies qui ont été définies par le niveau supérieur. Donc il y’ a des experts qui ont travaillé pour la mise en œuvre de cette activité et sur la communication qui s’est faite sur le plan local et j’estime qu’ils ont une valeur ajoutée par rapport à cela.
Pourquoi introduire un nouveau vaccin dans le programme élargi de vaccination et pourquoi précisément celui contre le papillomavirus était-ce vraiment important alors que ce vaccin reste controversé ?
Pour parler de l’importance du vaccin contre le cancer du col de l’utérus chez la jeune fille, il faut revenir en arrière et sur un certain nombre d’éléments. Nous savons tous que le cancer du col de l’utérus est le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme après le cancer du sein. Nous savons aussi que la jeune fille c’est la mère de demain. Comment est-ce qu’on peut faire pour protéger la mère de demain qui sera la mère de la société ? Ça c’est la première préoccupation. La deuxième est qu’il existe un vaccin contre ce papillomavirus ? Oui il existe. Est-ce que c’est un problème de santé publique ? Oui c’est un problème de santé publique. Nous comprenons à partir de ces interrogations qu’en vaccinant la jeune fille, on évite tous d’éventuels cancer du col de l’utérus qui pourraient survenir dans quelques années seulement.
Justement pourquoi seulement la jeune fille ?
C’est vrai Il y’ a une condition et j’attendais que vous me posiez cette question à savoir pourquoi est-ce qu’on ne vaccine que la jeune fille de 9ans a 13ans. Il se trouve que chaque fille qui a déjà eu son premier contact sexuel est susceptible d’avoir été en contact avec des germes (papillomavirus). Dans ce cas la vaccination risque ne pas servir à grand chose. C’est pourquoi les experts qui ont fait des études sur les jeunes filles se sont rendus compte que, cette tranche d’âge au Cameroun dans sa large majorité n’a pas eu de premier contact sexuel. On pense qu’en leur administrant les deux doses de vaccination, elles seront désormais protégées contre le cancer du col de l’utérus qui est le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme après le cancer du sein comme je l’ai dit précédemment.
Pour les « anti vaccin contre du cancer du col de l’utérus », on estime qu’il n’a pas été prouvé que ce vaccin puisse protéger les femmes contre le cancer du col de l’utérus de façon efficace et que les statistiques qui viennent d’autres pays qui ont expérimentés vaccin ne sont pas assez convaincantes sur la question. Les adeptes de cette thèse soutiennent également que les effets secondaires peuvent être très dangereux. Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui utilisent ce genre d’arguments ?
Je suis médecin épidémiologiste. Moi je travaille avec des chiffres et je me réfère à l’OMS qui est un peu comme la centrale de la santé dans le monde. Les éléments que je vous partage en ce moment sont des éléments qui viennent de l’OMS. Maintenant ceux qui font ces allégations, quelles sont leurs sources ? En réalités, en épidémiologie ce sont les statistiques qui comptent. Il faut que ces gens-là confrontent leurs sources avec celles de l’OMS pour qui ce vaccin est bon. Ne nous limitons pas au vaccin contre le papillomavirus. Essayons de voir la cartographie des autres vaccins qui sont dans le programme élargi de la vaccination. Nous avons vu pour la poliomyélite il y’ a quelques années en 2013 et 2014 précisément. Le Cameroun a connu des épidémies de poliomyélite. Ceux qui disaient que les cas n’existent pas ont vu des cas à Manlatouen et à Foumbot dans l’ouest du pays. Est-ce que les campagnes massives ne nous ont pas permis de protéger ses enfants ? Par contre, ceux qui ont déjà été malades n’auront que leurs yeux pour pleurer parce que la poliomyélite conduit à une paralysie irréversible. Ceux qui doutent de l’efficacité du vaccin contre le papillomavirus lorsque leurs enfants et leurs femmes seront infectés, c’est à ce moment-là qu’ils se rendront compte de la réalité. Nous avons vu la variole dans les livres. Moi-même je n’ai jamais vu un cas de variole au Cameroun parce que cette maladie a été éradiquée grâce à la vaccination. La rougeole, il y’a quelques années, il y avait des décès dans chaque ville et village à cause de la rougeole. Aujourd’hui grâce à la vaccination, les taux de mortalité a drastiquement chuté.
Je dois dire que chaque fois qu’il y’a introduction d’un nouveau vaccin, d’un nouveau médicament, il y’a toujours beaucoup de supputations. Est-ce que nous devons en rester là ? Non. Nous devons tirer le meilleur, essayer de voir ce qui est bien pour la population. C’est le rôle des décideurs de déterminer et d’avancer. Nous pouvons être sûrs qu’il y aura toujours les opposants aux vaccins qui ont déjà fait leurs preuves
C’est-à-dire qu’en tant qu’épidémiologiste et responsable du PEV dans la région de l’ouest, vous confirmez que ce vaccin est sans danger pour les jeunes filles ? Celui qui sera introduit le 12 octobre prochain.
Ce n’est pas à moi de confirmer. C’est à la littérature, au niveau de l’expertise, de la science actuelle qui le confirme. Ce vaccin a été administré dans d’autres pays. Il n y’a pas eu de problème. Ce vaccin a été administré dans notre pays il y’a 5ans, il n y’a pas eu de problème. Pourquoi est-ce que le problème devrait naitre maintenant ? Je suis de ceux qui sont fortement optimistes.
Un dernier mot peut être à l’endroit des parents mais surtout de tous ceux qui restent méfiants face à ce vaccin contre le cancer du col de l’utérus
Le message fort que je voudrais envoyer est que, tous nous devons soutenir cette vaccination. Moi par exemple, j’ai plusieurs filles. J’ai fait vacciner deux d’entre elles en 2015 et le premier jour de la prochaine introduction, je crois que je vais faire vacciner les autres. Je souhaiterais que les uns et les autres en fassent autant, et que les populations réservent un accueil très favorable aux équipes qui vont s’occuper de cette activité. Surtout pour celle qui va se dérouler dans les écoles et communautés au moment de l’introduction. C’est ce vaccin-là qui protègera nos filles.
Albertine B
L’interview du Dr. Simo sur le vaccin contre le cancer du col de l’utérus, parle du processus et de ce qui a été fait en 2014, 2015 et 2016 sur une cible de filles vierges dont l’âge était compris entre 9 et 15ans. Celles qui avaient reçu le vaccin en 2014, n’ont que 20 ans aujourd’hui. À mon humble avis d’épidémioligiste, il n’y a ni des éléments suffisants, ni le recul nécessaire pour conclure sur l’efficacité et l’impact de ce vaccin sur les personnes qui l’ont reçu. Il est important de poursuivre des études sur cette cohorte pour une argumentation plus poussée. Par principe de précaution, il et en temps de polémique, il vaudrait mieux de suspendre cet exercice à grande échelle en attendant d’avoir des résultats d’etudes observationnelles sur les premières cohortes.
Félicitations pour la parution de ce journal en ligne.