Rififi autour du BTS en soins de santé : Gabriel Djankou Nkuissi “Les cours reprennent en octobre 2024“
Secrétaire exécutif national de l’Association nationale des institutions privées de l’enseignement supérieur (ANIPES), il déconstruit et bat en brèche les déclarations faites par certains médias et dans les réseaux sociaux, taxant le BTS en soins de santé délivré par les IPES, d’illégal.
Dans un entretien exclusif, il révèle qu’il y a un communiqué conjoint du ministère de la Santé et du ministère de l’Enseignement supérieur en attente de signature, qui va définitivement mettre un terme aux débats stériles et rassure les parents et les élèves que tout est mis en œuvre pour une rentrée académique réussie dès octobre 2024.
Interview réalisée par Rostand TCHAMI
Qu’est-ce qui fait problème au sujet du BTS en soins infirmiers ?
Il se trouve qu’il y a une campagne organisée à travers les réseaux sociaux et les médias tendant à déclarer illégal le BTS en soins de santé d’une manière générale et ce BTS est un examen national qui est organisé par le ministère de l’Enseignement supérieur et qui est un diplôme préparé au sein des institutions privées de l’enseignement supérieur. Il y en a quelques 500 légalement autorisées au Cameroun, donc à peu près 200 qui ont l’autorisation de former en soins de santé. Il se trouve donc que le ministère de la Santé en relation l’Ordre du personnel médico-sanitaire et quelques structures rattachées, estiment que le BTS en soins de santé est illégal. Nous récusons cette affirmation, nous la dénonçons même en ce qu’elle est fausse, en ce qu’elle est dangereuse et irresponsable.
Que dit la loi sur la question ?
L’Ordre des personnels médico-sanitaires soutenu en cela par le ministère de la Santé, estime que le décret N* 80/198 du 09 juin 1980 portant statut des établissements de formation des personnels sanitaires confère l’exclusivité de la formation des personnels médico-sanitaires, aux structures agréées par le ministère de la Santé. En faisant une lecture très détaillée de ce texte, il n’en est rien. Non seulement il n’existe nulle part une notion d’exclusivité, de deux, cette disposition ou cette loi donne la faculté au ministère de la Santé de préparer des fonctionnaires au niveau BEPC et Probatoire. Ce décret précise également qu’est personnel médico-sanitaire au Cameroun, celui qui est titulaire d’un diplôme d’Infirmmier d’Etat ou de tout autre diplôme jugé équivalent. Mais ils ne vont pas jusqu’à dire qu’il y a cette autre dimension de la loi. Ce qu’il faut aussi remarquer dans ce texte est que le ministère de l’Enseignement supérieur est, en vertu du décret de 2015 qui fixe les attributions du ministère de l’Enseignement supérieur, la seule institution chargée de former des élèves après le BACCALAURÉAT. Donc toutes les formations qu’elles soient professionnelles, académiques ou scientifiques, après le BACC, relèvent du ministère de l’Enseignement supérieur, sauf textes particuliers. L’autre chose qu’il faut savoir c’est que les IPES qui offrent des formations dans le domaine de la santé bénéficient d’une autorisation du ministère de l’Enseignement supérieur, laquelle autorisation est revêtue du visa de la Primature ; les programmes qui y sont enseignés, sont des programmes du ministère de l’Enseignement supérieur ; le régime de l’évaluation qui est souvent sanctionné par le BTS ou le HND, est également sous la supervision du ministère de l’Enseignement supérieur et c’est le Grand Chancelier des Ordres académiques qui signe les diplômes de fin de sortie. Donc on ne saurait, vue sous ce prisme, taxer d’illégal une formation.
Quelles sont les conséquences de la non reconnaissance de ce diplôme par le MINSANTE ?
Il faut dire que cette non reconnaissance est récente. Parce que depuis le début de la formation des personnels médico-sanitaires par les IPES en 2001, cette question n’a jamais été posée. Ce n’est qu’en 2021 que le ministère de la Santé a demandé la suspension ou du moins la clarification sur ce processus à l’OPMS, demandant de suspendre pour le moment l’admission automatique des étudiants formés dans les IPES, à l’Ordre. C’est depuis lors que cette question est de plus en plus cruciale parce qu’il est question de plus de 30 000 jeunes qui ont été formés depuis lors, et qui aujourd’hui, se voient refuser l’accès légal à la profession au motif qu’ils ont été formés dans des institutions dites illégales.
À ce jour, est-ce qu’on peut savoir le nombre d’étudiants titulaires de ce diplôme sur l’ensemble du territoire national et ceux qui sont inscrits et suivent encore leur formation ?
Je ne saurais le dire pour des années plus antérieures. Mais depuis 2021 à ce jour, ils sont entre 26000 et 30 000 étudiants qui formés par les IPES et qui sont en attente d’une adhésion à l’OPMS ou du moins d’une reconnaissance pour pouvoir travailler.
Selon des récentes informations, des pourparlers seraient en cours entre les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur pour sortir de l’auberge. Avez-vous une idée de l’avancement de ces discussions ?
Oui. Nous confirmons qu’il y a eu et même en ce moment, des négociations à laquelle nous sommes associés. L’ANIPES a été conviée le 05 juin dernier à une importante réunion de concertation regroupant le ministre de la Santé, l’Ordre des personnels médico-sanitaires et notre association. La réunion a accouché d’un projet de communiqué conjoint qui n’a pas été signé parce que le ministre de la Santé publique n’était pas là en personne. Il s’est fait représenter par le Directeur des ressources humaines. Et le ministre d’État, qui a présidé la réunion, ne pouvait pas signer un document aussi important en l’absence de la signature du ministre de la Santé. Donc nous sommes en attente de la signature de ce communiqué. On ne sait pas ce qui retarde.
Si ce n’est trahir un secret puisque vous avez pris part à cette réunion, est-ce qu’on peut savoir quelle est la substance de ce communiqué ?
En fait ce sont des propositions que nous faisons et qui ont été retenues. L’une des premières propositions c’est que l’appellation BTS disparaîtra pour devenir Diplôme supérieur en soins de santé ou une Licence supérieure en soins de santé ; la deuxième recommandation prévoit que le ministère de la Santé et le ministère de l’Enseignement supérieur travailleront désormais ensemble dans le processus d’accréditation, de programmation, d’évaluation et de diplomation dans ce domaine. La troisième résolution concernait l’harmonisation de la loi. Parce que le décret date de 1980; il faut bien l’actualiser et la moderniser. Il est prévu donc une Commission qui devra se pencher dessus ; la quatrième résolution ce sont des mesures transitoires qui prévoient qu’il y ait une descente conjointe du ministère de la Santé et du ministère de l’Enseignement supérieur pour regarder la qualité des infrastructures de formation relevant du ministère de la Santé et des IPES de tel sorte qu’il y ait une sorte d’assainissement des structures de formation. La cinquième proposition est qu’il y a urgence de trouver une formule de reconnaissance des 26 à 30 000 étudiants qui ont été formés par nos soins et qui sont en attente. Nous sommes même d’accord pour un examen national afin d’évaluer leur niveau avant leur adhésion à l’Ordre. L’autre proposition que nous faisons est qu’on puisse permettre à ceux qui sont formés dans les IPES de pouvoir travailler même au privé, mais en toute légalité.
Nous sommes à environ deux mois de la rentrée académique 2024-2025. Un mot à l’endroit de la communauté éducative ? Notamment les parents, anciens et nouveaux étudiants.
Nous voulons leur dire de faire confiance au gouvernement qui est saisi du dossier. Le ministre de la Santé a fait une déclaration récemment appelant à l’apaisement en disant que le gouvernement se penchait sur cette question. Nous remercions aussi le ministre de l’Enseignement supérieur qui a pris des dispositions pour un retour à l’ordre dans les meilleurs délais. Aux parents particulièrement, nous leur demandons de rester sereins parce que c’est une question qui concerne l’Etat et non les IPES. Et aux étudiants, nous disons que la formation ne va pas s’arrêter ; les cours vont continuer et qu’ils soient rassurés qu’on fait tout pour que la rentrée académique d’octobre 2024 démarre dans de bonnes conditions.