Santé publique au Cameroun : Une avancée historique vers l’éthique et la solidarité médicale

ÉDITORIALE — Par Albertine BITJAGA
Il aura fallu des années de revendications, de cris étouffés et de silences médicaux pour que le Cameroun ose franchir le pas : se doter d’un cadre légal pour le don, le prélèvement et la greffe d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine. Ce projet de loi, défendu récemment devant la représentation nationale par le Ministre de la Santé Publique, représente bien plus qu’une simple réforme administrative : c’est un tournant éthique, médical et sociétal que le pays s’apprête à prendre.
Dans un contexte où de nombreux patients meurent faute de greffe, souvent dans l’indifférence générale, ce texte vient combler un vide juridique longtemps décrié. Jusqu’ici, l’absence de législation claire avait pour conséquence une médecine figée, impuissante face à la détresse des insuffisants rénaux, hépatiques ou cardiaques, dont la survie dépend parfois d’un seul geste : le don d’un organe.
Une nécessité médicale et humaine
L’exemple du Centre National de Référence d’Hémodialyse de Yaoundé est révélateur : chaque mois, des patients perdent la vie, faute de greffon, faute d’un donneur. En codifiant les procédures, en garantissant la traçabilité et le consentement éclairé, le Cameroun pose les bases d’un système de greffe encadré, sécurisé et éthique. Un espoir immense pour les milliers de malades en attente.
La greffe n’est pas seulement une affaire de science. Elle est aussi un acte de solidarité humaine. Cette législation permet enfin de structurer un dispositif national de prélèvement, de créer des registres de donneurs, de former les professionnels, et surtout, de sensibiliser la population à la culture du don, encore trop marginale dans nos sociétés.
Des avantages indéniables… et des précautions à prendre
Ce projet de loi offre des avantages multiples : amélioration du taux de survie des malades, développement de la médecine de transplantation, renforcement de la souveraineté sanitaire. Il pourrait également stimuler la coopération médicale internationale en permettant au Cameroun de rejoindre les réseaux africains et mondiaux d’échange d’organes.
Mais il serait naïf de croire que tout est acquis. Le risque majeur qui plane est celui du trafic d’organes, un fléau mondial qui prospère dans les zones grises de la législation et de la misère. Il est donc impératif d’accompagner cette avancée juridique par un dispositif rigoureux de contrôle, des sanctions exemplaires, et une campagne massive d’éducation citoyenne. Le consentement, qu’il soit du vivant ou post-mortem, doit être libre, informé et juridiquement encadré.
Éduquer, informer, protéger
La loi ne suffira pas si les Camerounais ne comprennent pas le sens et l’importance du don d’organes. Il faudra briser les tabous culturels et religieux, déconstruire les peurs, former les leaders communautaires, impliquer les confessions religieuses, et intégrer l’éducation au don dans les écoles et médias. Sans la confiance du peuple, il n’y aura pas de don.
Il ne s’agit pas ici d’imiter un modèle occidental, mais de créer une solution camerounaise, fondée sur nos réalités sociales, nos valeurs humaines et nos défis sanitaires. Le don d’organes est un acte d’amour. Le légiférer, c’est reconnaître sa valeur et protéger ceux qui le rendent possible.
En saluant cette initiative législative, Santé Nature Infos appelle à une mobilisation nationale, collective et durable. Pour que plus jamais, un enfant ne meure faute d’un rein, une mère faute d’un cœur, ou un frère faute d’un foie. Pour que la médecine camerounaise devienne, elle aussi, une médecine de la vie donnée.